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débredinages – "s'enrichir par la différence !"

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debredinages

Blogueur pendant cinq années sur le blog "8 plumes" hébergé par L'Express, ce blog indépendant s'inspire du célèbre débredinoir de Saint-Menoux, près de Moulins dans l'Allier, où l'on plaçait sa tête en s'exclamant : "Saint-Menoux, débredinez moi !" pour devenir apaisé et enrichi. Le Bourbonnais-Occitan, que je suis, vous propose de vous promener avec moi pour vous enivrer de lectures et de découvertes culturelles en suivant les pas de celles et ceux qui prônent l'ouverture, la connaissance et la différence ! Éric

Histoire d’un enfant d’Alphonse Daudet

Ce roman, qui se nomme aussi parfois Le Petit Chose, me fut relu récemment lors d’une promenade magnifiée en Jordanie dont j’ai partagé quelques souvenirs en publications.

J’avais apporté ce livre car j’ai toujours été fasciné par le style d’Alphonse Daudet mêlant vocabulaire ciselé et intransigeant, puisant dans les racines les plus pures de l’écriture française littéraire, et capacité à parler des choses de la vie tranquillement, humblement, y compris dans les descriptifs des parcours les plus rudes.

L’on ne saura jamais si Daniel Eyssette, le héros souvent frêle et sombre du livre, se place avec des liens directs avec l’auteur, Alphonse Daudet, en son enfance vécue, mais il reste qu’il est dédié à Léon, son fils, qui deviendra un auteur membre de l’académie Goncourt, polémiste redoutable, homme de poids craint de L’Action Française dont il fut chroniqueur sans concession, avec Maurras, pendant une part non négligeable du premier tiers du vingtième siècle.

Daniel aime sa Provence de souche, il flâne dans la propriété familiale entre champs, senteurs des arbres, chemins de terre, il invente des histoires, souvent avec des combats imaginaires avec le fils du métayer voisin qu’il prend parfois comme souffre-douleur.

Puis tout s’écroule quand de mauvais placements liés aussi à un manque de compétence commerciale du père feront dépérir la fortune familiale comme ses activités.

La famille doit vendre, déménager sur Lyon où le père s’affectera au service de sociétés tout en sollicitant le placement immédiat de deux de ses fils en apprentissage.

Daniel conservera cependant de la traversée en bateau, sur le Rhône, un moment d’imaginaire fécond même s’il oublie, sans que l’on repère comment cela a pu vraiment se passer, sur le pont, son perroquet chéri auquel il avait appris à réciter quelques mots…

L’appartement qu’ils occuperont, à Lyon, sera décrit comme livré aux quatre-vents, comme fétide, terreau à maladies, obscur, et s’il sort du sordide direct il ne s’en tient pas trop éloigné.

Quand le dernier fils de la famille, séminariste, homme apprécié pour sa droiture, sa transmission de confiance décède en jeune âge d’une sorte de phtisie, la famille s’enfonce dans la détresse et celle-ci ne fait que débuter…

La mère doit vivre aux crochets de son frère dans le midi quand l’appartement de Lyon doit être lui aussi quitté et tous les maigres biens vendus, sous les ordres de sa belle-sœur qui se donne des airs de virago ou de marâtre, lui rappelle en permanence, méchamment, combien « sa générosité » lui évite la rue…

Daniel deviendra surveillant et prescripteur dans un lycée provençal où il sera apprécié pour ses qualités de conteur d’histoires auprès notamment des plus petits, mais où il sera raillé par les plus grands pour son allure chétive, son manque d’autorité ou son autoritarisme circonstanciel mal placé, qui entraîneront qu’il sera souvent chahuté, où il sera aussi déconsidéré par ses collègues qui ne voient en lui qu’un gamin pion qui ne partage même pas leurs envies de tavernes…

Seul le réconfort chez un homme de clergé, professeur de philosophie, puisqu’à ce mitan du XIXème siècle les cours de passaient souvent au sein des institutions religieuses, lui procure un apaisement, permet à Daniel d’étudier car il veut gagner sa vie et bien, réunir la famille éparpillée.

Quand il devra quitter le lycée, suite à une cabale d’un père riche contre lui qui sera offensé de ce que ce jeune pion ait pu réprimander son fils pourtant insupportable de suffisance, il s’en retournera sur Paris pour retrouver son frère qui se voit certain que Daniel deviendra un écrivain, un homme de plume talentueux.

Son frère travaille dur, ne mesure pas sa peine pour apporter à son frère le confort d’un appartement et le gîte, y compris le midi en taverne, pour qu’il consacre tout son temps à la réalisation de son œuvre.

Ce frère amoureux de la fille d’un ami de sa mère, que cette dernière avait sauvé en payant la dîme de trois ans d’armée (puisque l’on pouvait échapper à la conscription avec de l’argent), comprend même que Daniel est celui que la jeune femme veut comme son homme de vie, il acceptera, malgré le chagrin qui le ronge, à laisser sa place pour ce frère qui deviendra un grand homme des arts, c’est une évidence…

Mais Daniel, s’il écrit un livre à compte d’auteur, ne le vend pas, et quand son frère part en voyages avec son employeur qui lui dicte ses mémoires, lui qui est employé comme copiste, il se met à emprunter des sommes qu’il ne pourra jamais rembourser, à faire le pseudo acteur dans des pièces de bas niveau, à quitter l’appartement affecté, à oublier sa promise…

Je vous laisse cerner ce qu’il adviendra en lisant ce livre exceptionnellement écrit et décrit qui ne sombre pas dans l’obscur permanent mais qui démontre que la valeur humaine essentielle passe par le fait de ne dépendre de personne, de suivre son chemin malgré les embûches et critiques, même les plus acerbes, de tenter de faire le bien tout en sachant, comme le dira plus tard Céline, que « nombre de personnes vous reprocheront d’avoir voulu les aider, les appuyer, les sauver avec une ingratitude affirmée… ».

Éric

Blog Débredinages

Histoire d’un enfant – Le petit chose

Alphonse Daudet

Bibliothèque verte de mon enfance, ici un livre déniché de 1978

2.50€ chez le bouquiniste du dimanche matin, premier du mois, place Jean Macé à Lyon 7ème

Quelque secrète fureur de Kamala Markandaya

Que j’aime repérer chez les bouquinistes de nouvelles pépites !

Pour la douce somme d’un euro j’ai pu dénicher en décembre dernier, lors d’un week-end en mon antre de Fréjus, chez le bouquiniste du passage couvert proche de la gare de Saint-Raphaël Valescure, un livre, dans la belle collection du cercle du bibliophile, daté de 1963, parlant avec une langue ciselée, recherchée (merci mille fois à la traductrice émérite) des naissances de l’indépendance de l’Inde, sous les auspices d’un amour platonique puis fougueux, entre une jeune indienne de caste aisée avec un aspirant colonial anglais de retour d’études, chargé des affaires du Protectorat en sous-continent.

Ce livre au charme délicieusement suranné n’hésite pas à décrire les tensions exacerbées, les complexités de rencontres entre personnages qui possèdent des vécus communs mais qui, portés par les flots de l’histoire et ses sommes de tragiques, peuvent basculer en affrontements déchirants, mais aussi la beauté des paysages de l’Inde aux multiples couleurs, la rencontre avec ses habitants avec leurs cultures ouvertes ou leurs renfermements peu propices au dialogue, à la rencontre apaisée.

La narratrice, qui pourrait être une sorte de double de l’auteure, réfute les convenances de sa famille qui cherche surtout à lui trouver un mari, à la « placer », elle veut terminer ses études, puis pour échapper à une emprise familiale qui pourrait l’obliger à se ranger avec un homme qu’elle n’aurait pas choisi devient journaliste, en rencontrant une femme libre, Roshan, poussée par la force des indépendances de l’Inde, qui accepte plusieurs arrestations, qui ne veut pas renier des amitiés avec des Anglais, cependant, ou les considérer tous comme des exploiteurs.

Le frère de la narratrice, Kit, a effectué ses études en Angleterre, devient un personnage clef de l’administration coloniale acceptant le partage du pouvoir avec l’Empire ; il se veut autonome, libre penseur, homme de fêtes mais il se range aisément à la volonté de sa mère d’épouser une femme que l’on lui a assigné, de vivre une vie bourgeoise clinquante, tapageuse.

L’épouse de Kit accepte sa condition soumise même si elle n’hésite pas à dire que les laissés pour compte, les personnes déshéritées en Inde méritent compassion, ce qui la propulsera à participer à la construction d’une école, d’un dispensaire auxquels elle consacrera ses forces avec conviction, avec courage.

Richard, l’ami anglais de Kit sur Londres et Oxford, qui connaîtra la famille de la narratrice, à son arrivée en Inde, va devenir éperdument amoureux  de la beauté de celle qui se sentira attirée puis ensorcelée par cet homme, peu reconnu par sa famille, qui saura si bien la promener sur les terres des forêts vierges Indiennes, l’envoûter pour gravir des montagnes, pour se baigner en plein sud du sous-continent face à l’horizon.

Govind, le fils adoptif de la famille de la narratrice et de Kit, va prendre en main les rênes de l’indépendance, sans prendre du recul, en dogmatique affiché certain de son destin, et il finira par participer à des actions armées, à des dévastations même et peut-être à participer à des émeutes entraînant des morts de l’occupant colonial honni ou de personnes aimées…

Il reste que Govind ne veut pas que la narratrice ou l’épouse de Kit, qu’il considère comme un vil collaborateur, puissent risquer quoi que ce soit dans ces actions ou attentats, tout en sachant que l’histoire se place en marche avec son cortège de faits collatéraux…

Ce livre se lit avec plusieurs tiroirs manifestes :

  • D’abord comme une histoire d’amour entre la narratrice et un jeune anglais tolérant, conscient que son pays doit évoluer face aux réalités des peuples composites indiens, aimant la narratrice tout en sachant qu’elle pourra un jour choisir plus son pays que leur relation…
  • Puis comme une promenade dans l’Inde des forêts luxuriantes, des montagnes aux sommets enivrants, des mers aux couchers de soleil flamboyants.
  • Et comme la manifestation de préludes de l’Inde, en soif d’indépendance, réfutant les pesanteurs, les lustres insupportables face aux misères recensées permanentes de nombre important de la population du pays, de constatation des errements des systèmes de castes, pourtant encore bien présents, conséquents de nos jours, règlementant la vie d’un pays, le plus peuplé de la planète, sans que des remèdes y soient vraiment apportés…
  • Enfin comme un bonheur d’écriture très stylisée, recherchée, avec une minutie d’orfèvre pour les descriptifs des objets de contemplation ou des paysages.

Je ne connaissais pas l’auteure, j’ai appris que ce livre avait connu beaucoup de succès et lui avait valu une reconnaissance internationale il y a soixante ans, quand je naissais…

Je vous recommande de suivre mes pas, de vous plonger dans une lecture passionnelle entre onirisme et romantisme.

Éric

Blog Débredinages

Quelque secrète fureur

Kamala Markandaya

Traduit magistralement de l’anglais par Anne-Marie Soulac

Cercle du bibliophile, livre de 1963, vendu « 1 euro » chez le bouquiniste du passage de la gare à Saint-Raphaël ; merci à lui !

Tant de chiens de Boris Quercia

Amie Lectrice et Ami Lecteur, je vous avais déjà conté les tribulations de Santiago Quinones, lors de la parution du roman « Les rues de Santiago » et je vous avais déclamé que j’avais aimé fortement la tonalité d’écriture, la force émanant des personnages, la volonté de l’auteur de parler de la réalité sociétale sans compromis.

Cet opus s’inscrit parfaitement dans la veine de son précédent.

D’abord il place les villes de Santiago du Chili comme Valparaiso et Vina del Mar comme des personnages à part entière, en tant que Cités où se trament des réalités rudes, insupportables par séquences.

J’ai parcouru ces villes magnifiées en 2008, je pense assez bien les connaître, les retrouver en un roman, permet d’en savourer les parfums, d’en retrouver les odeurs, de s’en remémorer les blessures et fêlures.

Vina del Mar constitue une station balnéaire au bord du Pacifique, huppée et assez kitch, mais qui présente l’attrait de plages avec la présence d’otaries et de pélicans (j’ai testé) offrant un souvenir assez inoubliable, Valparaiso compile un port industriel et une ville haute colorée avec en surplomb la remarquablement décalée Sebastiana, villa de Pablo Neruda, Santiago renferme une multitude de quartiers facilement joignables à pied et à l’histoire terrifiante entre stades de sinistre mémoire et palais présidentiel de La Moneda où un assaut eut lieu aussi un 11 septembre, en 1973.

Jimenez, le compagnon de route et collègue de Quinones, vient de mourir,  lors d’une fusillade nourrie face aux narcotrafiquants. Sa veuve éplorée et un pseudo-message apparemment programmé pour transmission à Quinones sollicitent ce dernier pour que justice lui soit rendue.

Et Quinones comprend vite que Jimenez, qui avait les affaires internes de la police en surveillance, et qui pouvait avoir perçu que son ancien pote décédé avait trempé dans des affaires louches, avait repéré un réseau de personnes accoquinées où pédophilie, prostitution, meurtres et crapuleries en tous genres s’organisaient avec la complicité conjointe lugubre du politique comme de la sécurité civile.

Quinones, dont l’épouse aimée, Marina, s’attache de moins en moins à lui, qui pourrait prendre la tangente aisément rapidement, malgré une proposition de location de chalet aux tarifs du comité social de la police…, est vite approché, lors d’une rencontre au sein d’une association structurée par un avocat des droits civiques, par Yesenia, une ancienne voisine, lorsqu’il était adolescent, qui a été abusée sexuellement en permanence par son beau-père…

Ce roman noir, très bien écrit et traduit, surfe ensuite dans toute son étendue sur plusieurs réalités complexes nécessitant des réactivités appropriées que Quinones ou son collègue Marcelo, prêt à l’appuyer au-delà même de la solidarité professionnelle, vont tenter de provoquer :

  • Pour démontrer que les affaires internes peuvent être encore plus corrompues que certains commissariats locaux.
  • Pour prouver que les politiciens peuvent aisément traîner dans le glauque et tolérer, en les utilisant à des fins d’assouvissement vil personnel, des réseaux de prostitution infantiles.
  • Pour repérer que les assassinats de celles et ceux qui osent dénoncer et se battre ne constituent qu’une première salve, car le dénigrement de leur corps décédé doit aussi les humilier outre-tombe.
  • Pour considérer que malgré les lâchetés et insuffisances, il est possible de cerner une fenêtre ouverte sur le solidaire, le positif, et propice, pourquoi pas, à un amour reconstruit avec Marina.

En lisant le livre de Boris Quercia, vous aurez peut-être une retenue pour une escapade au Chili, pays passionnel, excessif, où l’on réfléchit longtemps en se promenant à pied, comme les méditations de Quinones en Santiago le suggèrent, mais vous aurez surtout le plaisir d’une lecture qualitative en écriture romancée noire, avec une inscription tracée dans ce pays entre Océan et Cordillère, où toute rencontre peut basculer entre l’écoute attentive amicale et la stupéfaction d’une acceptation commentée des années de dictature.

Me promenant aux abords du sinistre stade des tortures, ne m’a-t-on pas dit : « Éric, la torture est un instrument très pédagogique pour ramener l’ordre… ».

Il y a tant de chiens en ce pays justement, où les chiens sauvages sont légion, viennent vous voir avec délicatesse et frénésie, moi qui suis « très chien » et si « peu chat »…  Je passais mon temps à les caresser et les nourrir…

Un livre bien mené, édifiant, construit avec une intensité narrative très « Asphaltienne », c’est-à-dire en associant en permanence réflexions sociales, caractères inspirés, urbanité mêlée de chaos et sursaut.

De la belle et vraie littérature !

Éric

Blog Débredinages

Tant de chiens

Boris Quercia

Traduit de l’espagnol (Chili) par Isabel Siklodi, bravo à elle !

21€

Asphalte Éditions

Dom Juan de Molière, Mise en scène au TNP de Macha Makeïeff


THEATRE – DOM JUAN de Molière mise en scène, décor et costumes Macha Makeïeff avec Xavier Gallais, Joaquim Fossi, Khadija Kouyaté, Xaverine Lefebvre, Anthony Moudir, Irina Solano, Pascal Ternisien, Vincent Winterhalter et la mezzo-soprano Jeanne-Marie Lévy au TNP en mars 2024.

Crédits photos = Juliette Parisot/Hans Lucas – copyright

Xavier Gallais (Dom Juan) et Irina Solano (Done Elvire) sur la photo

Hier j’ai eu le bonheur de me rendre au Théâtre National Populaire de Villeurbanne pour assister à la mise en scène par Macha Makeïeff du Dom Juan de Molière.

J’avais déjà vécu un moment de grâce avec la mise en scène de la pièce à la Comédie de Saint-Étienne en 1996 avec Jerzy Radziwilowicz dans le rôle-titre, l’acteur indépassable de L’homme de fer d’Andrzej Wajda.

Elvire s’inquiète du départ précipité de son mari Dom Juan.

Gusman, son écuyer et Sganarelle, le valet de Dom juan, brossent un portrait peu reluisant du maître, le présentant comme totalement immoral.

Dom Juan a prévu d’enlever une jeune fiancée.

Il abandonne alors sans explication une Elvire furieuse.

À la campagne, le paysan Pierrot décrit à sa promise Charlotte les deux hommes qu’il vient de sauver de noyade en un lac (Dom Juan et Sganarelle).

Ceux-ci arrivent alors, et sans vergogne, Dom Juan se met à persuader Charlotte de l’épouser dans le dos de Pierrot.

Puis débarque Mathurine, une autre paysanne, à qui Dom Juan avait également promis le mariage, qui ne comprend pas, s’indigne de la situation.

Dom Juan arrive encore une fois à s’en tirer sans dommage, privilégiant la jalousie entre les deux femmes, leur indiquant qu’elles verront bien qui des deux aurait raison sur ses promesses passionnelles, il s’enfuit avec son valet, car ils seraient poursuivis par un groupe d’hommes.

Dom Juan tente de faire jurer un mendiant, en chemin, contre remise d’une pièce d’or poussant le pauvre à refuser pour ne pas se percevoir damner.

Il vient en aide auprès d’un gentilhomme attaqué par trois brigands, ne sachant pas que la victime se repère être Dom Carlos, le frère de Done Elvire, lui-même à la recherche de Dom Juan pour laver l’injure qu’il a faite à leur famille en quittant Elvire.

Dom Alonse, l’autre frère d’Elvire, absent au moment du brigandage, qui lui reconnaît Dom Juan, veut le prendre en duel immédiatement, mais Dom Carlos l’en empêche par reconnaissance envers l’homme qui l’a sauvé.

Reprenant leur chemin, Dom Juan et Sganarelle arrivent devant le tombeau du Commandeur, un homme que le séducteur a autrefois tué.

Il invite alors la Statue du Commandeur à dîner chez lui.

Chez lui, Dom Juan voit son festin interrompu par de nombreuses personnes : Monsieur Dimanche, son créancier qu’il renvoie en l’inondant de compliments et flagorneries, puis Dom Louis, le propre père de Dom Juan lui reprochant son comportement immoral, inconséquent et Elvire qui vient l’avertir du futur, s’il continue à s’affranchir des « courroux du Ciel ».

La Statue du Commandeur l’invite à son tour à dîner avec elle le lendemain : Dom Juan accepte (cette sollicitation explique le sous-titre de la pièce de Molière, Le Festin de Pierre).

Dom Juan fait croire à Dom Louis qu’il a enfin décidé de changer, de devenir meilleur, d’accepter de méditer sur sa vie dissolue pétrie de mensonges, de vilenies, ce qui rend son père, comme Sganarelle fous de joie éperdue.

Une fois Dom Louis parti, Dom Juan fait l’éloge de l’hypocrisie : il ne changera pas, prétend qu’il reste ainsi en phase avec une société de faux-semblants, qu’il n’a pas inventée, qu’il fait sienne.

Il refuse ensuite le duel que lui propose son beau-frère Dom Carlos pour venger Elvire, précisant qu’il se retirerait en couvent comme Elvire imagine le faire, pour elle, après les trahisons d’amour qu’elle a dû endurer.

Une fois Carlos parti, un spectre surgit, demandant une dernière fois à Dom Juan de se repentir, mais il refuse encore.

La Statue du Commandeur apparaît alors, envoie Dom Juan en enfer, laissant Sganarelle seul à pleurer la perte de… ses gages, car la vie réelle doit toujours aussi s’appliquer par-delà les messages sacrés…

Xavier Gallais dans la pièce actuellement en représentation au TNP accentue sa position de séducteur volage, infidèle, qui n’hésite pas à quitter sa femme pour aller promettre le mariage à n’importe quelle paysanne de rencontre fortuite.

Mais le comédien démontre que le libertinage de Dom Juan ne se place pas seulement sur le ressort amoureux, il se prolonge aussi à un niveau intellectuel.

Dom Juan ne croit pas en Dieu, se moque des croyants.

La pièce de théâtre décrit ainsi la crise de l’aristocratie qui traverse l’époque de Molière.

Une aristocratie d’honneur, fidèle aux bravoures et probités, « idéale » est incarnée par le père, Dom Louis, qui représente l’honnête homme au XVIIe siècle, cultivé et sage.

Dom Juan reste cependant une pièce de théâtre bien mystérieuse.

On pourrait penser que Molière, en mettant en scène un héros mécréant, libertin, fait un joli pied de nez aux dévots, à la morale de son époque comme il l’avait fait auparavant avec son Tartuffe censuré.

Mais la fin de l’histoire montre que Dom Juan se retrouve condamné par le Ciel, envoyé en enfer.

Le pécheur qui finit puni par Dieu, cela s’affecterait plutôt comme une morale chrétienne…

Mais avec la toute dernière réplique « Mes gages ! », prononcée par Sganarelle, clairement ironique et humoristique, il est démontré que le serviteur s’intéressait surtout à son salaire, que l’appel des enfers reste donc assez modeste, relatif…

Un dernier message de l’auteur pour continuer de pouvoir se moquer librement de tout…

Macha Makeïeff transporte la pièce dans le XVIIIème siècle où triomphe avec Sade les excès de tous les libertinages.

Dom Juan se voit non pas penseur libre mais insolent, menteur, avide d’hypocrisies transgressives.

Elle développe une réflexion contemporaine sur les séductions qui deviennent des emprises.

Sganarelle se définit avec Vincent Winterhalter, comme acteur formidable, comme un homme fasciné par Dom Juan, totalement sous sa coupe physique.

Molière jouait Sganarelle dans sa pièce et la metteuse en scène souhaite que la pièce rappelle que l’auteur était accusé de toutes les perversions avec l’interdiction de son Tartuffe monté auparavant.

Elle réussit à montrer une Elvire puissante, révoltée, digne, des paysannes qui repèrent qu’elles sont manipulées, qui s’émancipent en se sauvant, en étant séduites par Dom Juan, mais l’observant en face quand elles devinent de viles manigances.

La metteuse en scène ne souhaite pas désigner les femmes de la pièce comme des victimes (qu’elles sont clairement cependant) mais elle fait en sorte qu’elles s’interrogent sur leur sidération face à la violence de Dom Juan, prêt à tous les excès, tous les stratagèmes pour que sa passion dévorante lui apporte de futures proies.

Elvire exceptionnelle dans la pièce, avec Irina Solano remarquable, finit par déclamer à Dom Juan que sans elle il n’existe plus vraiment, qu’il a existé dans son désir, mais privé d’elle il ne pourra plus vivre.

Les silences de Xavier Gallais, génial en son rôle, cruels, implacables, qui repoussent Elvire font face à la communication directe, fiable, d’une Elvire précise, digne, nette, factuelle, qui sait tenir tête.

Avec une mise en scène où musique de clavecin, chorégraphie permanente, jeux de lumière en clair-obscur s’enchevêtrent avec bonheur, vous passerez un moment fort réflexif, culturel, totalement pétri des actualités sur les violences faites aux femmes toujours à dénoncer, sur l’hypocrisie flagorneuse qui domine les débats du politique en récurrence, car nous restons toujours à la recherche d’honnêtes femmes et hommes comme Simone Veil, comme Robert Badinter…

Éric

Blog Débredinages

Dom Juan de Molière

Mise en scène de Macha Makeïeff

Au TNP de Villeurbanne jusqu’au 22 mars 2024

60 ans d' »enlivrement » !

Ce jour j’ai 60 ans, je me permets de reprendre des citations d’auteurs que je vénère, admire et relis régulièrement.

Je puise en permanence en leurs inspirations, leurs messages se repèrent totalement contemporains !

Amitiés vives, lectrices et lecteurs !

« Le meilleur de la vie se passe à dire “Il est trop tôt”, puis “Il est trop tard”.”

Gustave Flaubert

“Le seul moyen de guérir, c’est de se considérer comme guéri.”

Gustave Flaubert

« Sachez avoir tort. Le monde est rempli de gens qui ont raison. C’est pour cela qu’il écœure.»

Louis-Ferdinand Céline

« Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage peut être entièrement imaginaire. Voilà sa force… Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie. »

Louis-Ferdinand Céline

« J’ai tendu des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d’or d’étoile à étoile et je danse. »

Arthur Rimbaud

« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, je dirai quelque jour vos naissances latentes. »

Arthur Rimbaud

« De toutes les passions, la plus compliquée, la plus difficile à pratiquer supérieurement, la plus inaccessible au commun, la plus sensuelle au vrai sens du mot, la plus digne des artistes en raffinements, est assurément la gourmandise. »

Guy de Maupassant

« Le fascisme, c’est le mépris. Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. »

Albert Camus – Quel message qui résonne et raisonne aujourd’hui avec tellement de donneurs de leçons chez les nouveaux petits Pol Pot…

« Le but de l’art, le but d’une vie ne peut être que d’accroître la somme de liberté et de responsabilité qui est dans chaque homme et dans le monde. »

Albert Camus

« On parle de la douleur de vivre. Mais ce n’est pas vrai, c’est la douleur de ne pas vivre qu’il faut dire. »

Albert Camus

« La vérité est à construire, comme l’amour, comme l’intelligence. Rien n’est donné ni promis, en effet, mais tout est possible à qui accepte d’entreprendre et de risquer. C’est ce pari qu’il faut tenir à l’heure où nous étouffons sous le mensonge, où nous sommes acculés contre le mur. Il faut le tenir avec tranquillité, mais irréductiblement, et les portes s’ouvriront. ».

Albert Camus – A lire et relire intensément en notre époque d’absence de culture…

« Dans notre société, ceux qui ont la connaissance la plus complète de ce qu’il se passe, sont ceux qui sont les plus éloignés de voir le monde tel qu’il est. En général plus vaste est la compréhension, plus profonde est l’illusion. Le plus intelligent est le moins normal. »

George Orwell

« Nous ne naissons pas libre et égaux, comme le proclame la Constitution, on nous rend égaux. Chaque homme doit être à l’image de l’autre, comme ça tout le monde est content, plus de montagnes pour intimider… ».

George Orwell

« La dictature s’épanouit sur le terreau de l’ignorance ».

George Orwell

« Oui, la mer est tout. Je l’aime ! Elle couvre les sept dixièmes du globe terrestre. Son souffle est pur et sain. C’est l’immense désert où l’homme n’est jamais seul, car il sent frémir la vie à ses côtés. Ah, vivez, vivez au sein des mers. Là seulement est l’indépendance ! Là, je ne reconnais pas de maîtres ; là, je suis libre ! ».

Jules Verne

« Eh ! Que diable ! Il faut bien bouillir quelquefois ! Dieu nous aurait mis de l’eau dans les veines et non du sang, s’il nous eût voulus toujours et partout imperturbables ! ».

Jules Verne

« Ce ne sont pas de nouveaux continents qu’il faut à la terre, mais de nouveaux hommes ! »

Jules Verne

Éric

Blog Débredinages

Le 6 mars 2024, jour de mes 60 ans !

Les forceurs de blocus de Jules Verne

Ce qui se repère en permanence admirable avec Jules Verne, c’est sa frénésie d’écriture, de raconteur d’histoire.

Je pensais avoir tout lu ou relu de lui, je déniche cependant régulièrement des nouvelles ou livres qui apparaissent comme inédits…

La collection Librio, destinée notamment aux collégiens  avec son dossier pédagogique qui prolonge la lecture, a fait paraître le texte intégral des forceurs de blocus dont j’ignorais la création, que j’ai lu avec bonheur assouvi.

James Playfair, neveu d’armateur de Glasgow, imagine que la guerre de Sécession, actuellement en cours aux États-Unis, empêchera la circulation normale du coton, matière première indispensable aux textiles et tissus.

Il convainc son oncle d’affréter un navire dont l’objectif visera à franchir le blocus de Charleston, ville en proie à des combats incessants et sans merci entre troupes fédérales unionistes et troupes confédérées souhaitant la séparation des États du Sud, pour vendre des armes aux troupes confédérées en échange de stères de cotons.

Il considère que le franchissement du blocus ne sera pas aisé, certes, mais il dispose d’un navire apte à déjouer, par sa puissance et sa vitesse, nombre d’obstacles ou de coups de semonce, il repère les profits importants qu’il compte engendrer car les armes manquent, il en fournira, sachant que les prix élevés qu’il proposera ne seront pas négociés, qu’en échange il recevra du coton de première main qui pourrait même être bradé…

Le navire appelé Le Delphin se prépare à embarquer quand survient, au moment de l’appareillage, la venue d’un dénommé Crockston et de son neveu, qui manifestent si bien leur intérêt pour faire partie du voyage en présentant leurs qualités physiques et dévouements que le capitaine du navire ne résiste pas à les consigner sur le livret de bord des personnels.

Quand il s’avèrera que Crockston n’entend rien aux consignes de navigation, qu’il ne peut pas répondre à un ordre par manque total de vocabulaire marin de base, le capitaine se rend compte qu’il a été joué, encore plus fortement quand le neveu s’avère être une jeune femme.

Homme de bien, d’honneur, le capitaine rend à la jeune femme les égards lui permettant de s’abriter sans vivre les contraintes ou violences possibles des mâles à bord, la considérant comme son obligée.

Miss Jenny, tel est son patronyme, finit par dévoiler au capitaine que son père est emprisonné à Charleston par les troupes confédérées, que ses écrits anti-esclavagistes, en sa qualité de journaliste, peuvent lui valoir une grande infortune, disgrâce, même la peine capitale.

Crockston manœuvre si habilement auprès du capitaine que ce dernier fait le serment de délivrer le père de Jenny, acceptant même sans valider cette opinion, l’idée de Jenny que son commerce d’armes entre insurgés et loyalistes, pour pure raison financière de profit, s’affecterait comme une forte vilenie.

Le capitaine va-t-il vendre les armes de ses cales aux troupes confédérées en échange de stères de coton, empochant ainsi un bénéfice et un pactole évidents, objectifs initiaux de son voyage ?

Le capitaine pourra-t-il sauver le père de Jenny et comprend s’y prendra-t-il ?

Le capitaine arrivera-t-il à franchir le blocus, surtout à sortir de la passe de Charleston pour reprendre la mer sans risquer d’être victime d’obus, de bombardements venant des belligérants ?

Je vous laisse lire avec la même passion que moi ce livre, cette longue nouvelle où Jules Verne permet que se côtoient, pour un plaisir magistral, des combats doctrinaires politiques, la présence d’une passion romantique, un récit d’aventures exploratoires de haute volée.

Un livre où tous les périls s’amoncellent, où les comportements se repèrent toujours scrutés, où les tensions violentes d’une guerre civile peuvent engendrer toutes les tragédies, tous les traquenards.

Un récit Vernien exceptionnel encore une fois !

Éric

Blog Débredinages

Les forceurs de blocus

Jules Verne

Collection et Édition Librio, avec texte intégral pour 2 euros !

Arthur Rimbaud, le voleur de feu, par Sarah Cohen-Scali

Jeune amie lectrice, Jeune ami lecteur, cette chronique vous est destinée, tout particulièrement.

Voici un livre qui peut être « attaqué » dès le début du collège, qui m’a totalement passionné.

L’auteure place en exergue Arthur Rimbaud, le poète flamboyant, contestataire des autorités, adepte des vagabondages, plus tard des pérégrinations orientalistes et immisce, en son écriture, une esquisse de biographie, des intégrations mises en forme avec doigté de poèmes majeurs, la présence récurrente d’un oiseau multicolore, au plumage tiré du célèbre sonnet « voyelles », dénommé Baou, qui permet à Arthur de faire le lien entre son univers jugé trop insipide et la conquête de la vraie vie, par la poésie.

On retrouve « la mother », sa Maman, à la fois reconnaissante et fière de ses talents scolaires mais intraitable sur son destin tracé qui ne peut se lier à certaines lectures jugées débauchées, qui, par son comportement, sera autant détestée que consultée par Arthur…

On repère juste de manière fugace le père militaire qui ne venait à « Charlestown » que pour « besogner » son épouse, accroître quantitativement la famille (on ne parlait pas alors de « réarmement démographique »…) qui fut, cependant, une source inépuisable d’inspiration pour Arthur, puisqu’il a voyagé, qu’il maîtrisait plusieurs langues et dialectes orientaux.

On intègre Frédéric et Arthur, frères qui se retrouvent dans la même classe, Frédéric par ses repérées injustes limites, Arthur par son génie, dont la cohabitation ne sera jamais ni aisée ni repoussée.

On entend les punitions sévères que la Maman distribue, l’importance glauque des latrines où Arthur passe un temps certain, car jugé garnement, qu’il utilise en pleine imagination poétique ou éveil aux sens…

On est charmé par les liens directs qui unissent Arthur à ses petites sœurs, Vitalie, surtout à Isabelle, qui l’identifient comme savant, différent mais aussi comme un solitaire mélancolique, insaisissable.

On salue le professeur d’Arthur, Georges Izambard, qui comprend très vite ses talents, qui essaie sans succès d’instaurer un dialogue entre Arthur et sa mère.

On se rappelle qu’Arthur avait 16 ans au moment de la bataille de Sedan (à quelques encablures de Charleville), qu’il a connu la terrible tempête de la guerre de 70, avec son frère Frédéric enrôlé, en orchestrant ce qu’il a vu avec le poème magnifique, glaçant dit du « dormeur du val ».

On suit le Baou et Arthur avec ses fugues à répétition, sa mise en détention dans le Paris en guerre…

On imagine Rimbaud recevoir avec une ferveur absolue le message de Verlaine l’invitant à rejoindre le clan des poètes avec force, frénésie…

Et l’on s’attriste à voir la chère Isabelle veiller son frère de 37 ans s’éteindre à petit feu après un périple de plus de 15 ans où il s’est éloigné de tout, pour vivre des tonnes d’expérience, oublier la poésie dans sa dimension classique pour vivre lui-même une aventure absolue.

Un petit bijou de composition, que ce livre, que je recommande à votre attention, jeune amie et jeune ami, qui vous permettra à la fois de découvrir ou redécouvrir Rimbaud, surtout de reprendre en chœur et à cœur ses plus emblématiques poèmes, vous feront comprendre que c’est bien autre chose que ce satané Maurice Carême, souvent déclamé en primaire, assez insupportable, n’est-ce pas ?

Éric

Blog Débredinages

Arthur Rimbaud, le voleur de feu

Sarah Cohen-Scali

Le livre de Poche jeunesse

5.90€

Morts en débit II – D’un port l’autre d’Éric Vernassière

Amie lectrice et ami lecteur, une fois n’est pas coutume, je vais vous parler de moi.

Vient de paraître le deuxième tome, chez Amazon et Kindle, de ma trilogie consacrée à la période 1934/1954 où la France a vécu une intensité frénétique dans ses positionnements politiques et militaires, traversant le défilé de ligues nationalistes fortement teintées des idéologies fascisantes, les vécus sociétaux du Front Populaire, l’assistance impuissante compromise de lâchetés de la Guerre civile espagnole, la montée des périls, la Deuxième Guerre Mondiale et ses atrocités, l’Occupation et la Collaboration, la Libération, les procès en déchéances, les débuts de la Guerre Froide entre Blocs, l’insurrection des mouvements d’indépendance et de décolonisation, l’orée de la création européenne.

Le premier tome paru fin 2022 s’intitulait « Morts en débit »

Roger Miremont souhaite exister en s’engageant pour la cause nationale, réfutant les Institutions qu’il considère comme responsables de la dépréciation de la France.

Il n’hésite pas à prendre part à des actions violentes, intégrant que la force fait partie des modes d’intervention pour que ses idées soient incarnées…

C’est ainsi qu’il a organisé, sur ordre conspirationniste, l’incendie tragique du bidonville de Nice, occupé par des immigrés italiens.

Lâché par ses patrons de combat pour son caractère par trop incontrôlable, il les a quittés amèrement, puis s’est replacé rapidement comme cadre du Parti Populaire Français sur Nice où il tente de mettre en scène une cogestion de la ville avec un maire intérimaire.

Il vit très mal le rapprochement de son amante, Suzanne, avec Doriot, le chef de son mouvement.

Gilles Fradin, inspecteur de police, droit, intègre, suspecte Miremont de viles besognes et exactions, il ne le quitte pas des yeux, ne voulant pas que la cité où il vit et travaille soit la proie de tensions invétérées.

Quand Fradin surprend Miremont à la sortie de la mairie de Nice, en proie aux flammes d’un nouvel incendie, Miremont le poignarde puis prend le large…

Le deuxième tome s’ouvre sur cette réalité rude factuelle.

L’incendie ravageur de l’Hôtel de ville de Nice met en suspens la volonté de conquête du pouvoir municipal par le parti populaire français de Jacques Doriot.

L’Irlande nationaliste et la Belgique rexiste tendent les bras vers la Nouvelle Allemagne de 1933 avec l’affirmation de créer une Europe « virilisée, sûre de sa domination », alliée avec les fascistes Italiens et les franquistes Espagnols naissants.

L’inspecteur Fradin, fort heureusement sorti sans trop de dommages de l’attentat qui a visé sa personne, appuyé par son collègue Champagnat, cherche à arrêter les responsables des forfaits qui transportent villes et pays en une spirale incandescente qui semble sans fin.

Entre descriptif historique inscrit dans les faits vécus par ses auteurs et récit de fiction, ce deuxième volume de la trilogie « Morts en débit » retrace la période où des hommes associèrent tentative de poétisation de la vie avec mise en place d’un nouvel ordre politique et social, alors que Bernanos rappelait « qu’il n’est pire désordre en ce monde que l’hypocrisie des puissants ».

Votre serviteur, ici modeste auteur qui tente de titiller la muse, enseignant en formation continue dans le civil, s’identifie à la citation d’Hannah Arendt qui rappelle qu’« une idéologie est précisément ce que son nom indique, elle est la logique d’une idée, s’en émanciper c’est s’arracher de son origine tout en l’assumant… ».

Je vous souhaite belle et bonne lecture et aurai plaisir à débattre avec vous de vos ressentis.

Très sincèrement à vous, amie lectrice et ami lecteur.

Éric

Blog Débredinages

Morts en débit II D’un port l’autre

Éric Vernassière

Amazon – Kindle – 18€ en version brochée

L’Antidote de Raffy Shart

Auriez-vous envie de connaître les réalités effectives d’un plateau de tournage, auriez-vous intérêt à repérer les relations concrètes entre acteurs, producteurs, scénaristes, journalistes culturels au moment où les contrats se signent, au moment où le casting organisationnel s’annonce ?

Si vous répondez par l’affirmative : alors rendez-vous immédiat pour la lecture de « L’Antidote », roman noir, vénéneux à souhait, sans aucune concession.

Gloria Borand, actrice qui a vécu des heures fortes, qui n’est plus appelée depuis quelques temps déjà, vivant du souvenir de l’homme aimé, artiste parti pour le grand voyage, via l’overdose, décide de réunir, en un lieu insulaire écarté, d’accès compliqué, un producteur et son épouse, un metteur en scène et son assistant, un agent et sa dulcinée – journaliste – à la plume acérée mais aussi princesse du bon goût, valorisant ce qui est attendu (je vous rassure, il ne s’agit bien que d’une fiction)…

Arrivés tous, tant bien que mal, en un manoir plus proche des références Écossaises, avec fantômes potentiels, un brin sinistre, malgré sa décoration enjouée et stylisée, on porte un toast de retrouvailles, puisque tous les invités se connaissent, ont travaillé ensemble par le passé lorsque l’un des protagonistes s’effondre…

Gloria précise qu’elle a sciemment voulu empoisonner les convives, qu’un à un leur sort est scellé, on ne sait pas si un antidote existe…

Le roman ne fait que commencer, il vous apportera sa dose de suspense, ses soubresauts ou virevoltes incessants, et, je vais – une fois n’est pas coutume -me taire (si certaines ou certains s’esclaffent en disant « chouette enfin », recevez mon sourire le plus carnassier…) pour vous donner envie d’aller plus loin, par vous-même, pour respecter surtout l’énergie captivante du livre.

L’auteur va se livrer ensuite à un dépècement absolu, mais salvateur, des comportements des milieux artistiques et cinématographiques où l’on retrouvera, pêle-mêle, un assistant plus porté sur la santé de son chien que sur sa propre implication, mielleux à souhait, sans caractère propre, un metteur en scène avide de citations mais strictement limité en créativité, surtout flagorneur circonstanciel par matérialisme, un producteur qui n’hésiterait pas à renier ce qu’il a de plus cher, y compris son épouse, pour une signature contractuelle, un scénariste qui considère que son talent est proportionnel à sa fantaisie ou à sa dose de méchanceté…

Tout cela ne vous rappellera rien, bien évidemment, nous sommes strictement dans le récit fictif, jamais, ô grand jamais, nous n’avons entendu de scénariste vaniteux, pédant, de producteur se livrer à l’exceptionnalité de sa relation avec les acteurs qui ne peut être que d’abord un lien humain, en aucun cas une réalité chiffrée, ou de metteur en scène s’extasiant sur les prouesses de ses partenaires alors qu’il ne les supporte pas, qu’il évoque la force du travail d’équipe en pensant surtout à sa seule identité bouffie de suffisance…

De ce qui adviendra en ce jeu de massacre, il vous faut pénétrer l’univers de Raffy Shart pour l’analyser, mais je salue cet opus décapant, écrit en alternance permanente avec dialogues incisifs et descriptions oniriques ou fantastiques, qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat pour plaider pour une plus grande vérité dans les relations artistiques, pour une reconnaissance des réels talents, en évitant les emphases mais aussi pour affirmer des considérations humanistes dans la créativité et non des rapports glauques ou surannés sans capital de progrès inspirant.

A lire pour méditer, pour bien rire dans les studios de tournage…

Éric

Blog Débredinages

L’Antidote

Raffy Shart

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