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débredinages – "s'enrichir par la différence !"

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Onirisme

Les furies de Boras d’Anders Fager

Amie Lectrice et Ami Lecteur, vous allez vous trouver un brin déroutés car je vais, pour la première fois, en ce blog, vous parler d’un roman sombre et fantastique, tombant par instants dans l’horrifique…

A la lecture du livre d’Anders Fager dont j’ai découvert l’univers, je tiens à vous dire que je ne suis pas devenu un aficionado du « gore » mais que j’ai trouvé une écriture à la fois saisissante, rythmée, totalement originale qui m’a charmé.

Vous vous promènerez au détour des effluves d’une boîte de nuit à Underryd, vous découvrirez comment Saga s’est livrée en quasi-martyr à un monstre des forêts pour n’avoir pas respecté les codes ancestraux des esprits de la nuit étoilée, permettant ainsi à Sofie de survivre ; vous suivrez les contes et légendes nordiques, notamment les méandres d’Ittakkva qui repoussent les malfaisants, qui chassent ceux qui ont osé toucher aux respects des intimités, qui ont semé la mort sans vergogne ; vous assisterez aux volontés magnifiées d’un jeune enfant qui veut alimenter un deinonychus au bord d’une falaise, vous aborderez les conséquences d’un aquariophile qui lie directement des spécimens de poissons et les réalités compliquées des mammifères que nous pensons ou croyons être ; vous vous questionnerez sur la systématisation récurrente de nombreuses personnes qui au même moment décident de se précipiter d’un pont sans que l’on devine et cerne ce que peut signifier cette forme de suicide collectif ; vous allez côtoyer un combat rude et fantasmatique entre des personnalités déniées d’humanité et des pieuvres ou créatures hideuses et vous finirez par tenter de comprendre comment Sofie, notre héroïne du départ , au sein de cette succession de nouvelles inspirées, a réussi à traverser le livre, en épousant ses complexités, en sublimant caractères, comportements les plus délirants, excessivement volubiles et tenaces.

L’auteur suit les traces de H. P. Lovecraft mais crée une atmosphère où résonnent et tintinnabulent un humour corrosif, un art consommé de raconteur d’histoire, une volonté maniaque de créer le suspense en l’alliant avec le décalage ou la méchanceté assumée…

Lire ce livre représente une gageure pour ceux, qui comme moi, ne sont pas des passionnés ou des inconditionnels du genre fantastique, mais vous entraîne en une vraie cavalcade littéraire à savourer sans modération.

Un auteur différent pour une œuvre intelligente, suggestive, très spécifique, mon coup de cœur de fin d’année auquel je souhaite un bel essor.

Et en plus, l’auteur est mon conscrit, il est né aussi en 64, salut amical Confrère !

Eric

Blog Débredinages

Les furies de Boras

Anders Fager

Traduit du suédois par Carine Bruy

Collection « horizons pourpres »

Mirobole Éditions, 21.50€

Rêves noirs de Michel-Hubert Walch

Amie Lectrice et Ami Lecteur, je vous invite ardemment à suivre mes pas, à vous pénétrer de la lecture du recueil de nouvelles de Michel-Hubert Walch.

Que l’auteur de cet opus soit un Ami cher, précieux, fidèle, est un fait avéré mais qui n’entache aucunement mon objectivité d’analyse pour ce livre porteur, bien mené.

Michel-Hubert a vécu en Afrique, en Côte d’Ivoire, a rapporté de cette expérience sa capacité permanente à s’enrichir par la différence, à s’ouvrir à la relation de culture croisée avec une force appuyée ; il a développé des relations suivies, nourries avec de nombreuses personnes, familles, qui ont toutes apprécié son sens de l’entraide, ses partages fraternels.

Ce livre recouvre les années des 25 ans de Michel-Hubert, en sa pleine période Africaine.

Les nouvelles ont été écrites et décrites il y a une petite quarantaine d’années, elles ont été relues et réinvesties, mais leur teneur n’a pas changé.

La nécessité de les publier devenait évidente pour garder trace des sentiments dévoilés, pour conserver teneur des moments enfouis et enfuis, pour élargir le champ des connaisseurs, pour nous associer à la transmission des promenades et regards de l’auteur.

Jean-Laumaire d’Abidjan fut un proche du narrateur.

Le narrateur l’a accueilli chez lui, il lui a permis une identification sociale, assurant du temps pour Jean-Laumaire pour s’engager dans ses volontés d’organisation de vie, lui procurant aussi une plus grande capacité économique.

En aucun cas le narrateur ne peut être considéré comme quelqu’un qui imaginait que ce don de soi signifiât une rétrocession de Jean-Laumaire, que ce soit dans ses évolutions professionnelles ou dans son avenir.

Il reste que le narrateur souhaitait que cet appui et cet affect soient considérés comme la marque de respect incitant Jean-Laumaire à donner le meilleur de lui-même pour s’émanciper.

Mais le narrateur repèrera, avec tristesse et un brin de dégoût, que Jean-Laumaire se voulait assez manipulateur, que la présentation de sa famille obligerait presque à devenir un « bienfaiteur » permanent, la famille « comptant sur lui » en permanence.

Jean-Laumaire comprendra à sa façon désinvolte et vile que le narrateur n’allait pas accepter sa perte de liberté, sans jamais comprendre que la duperie qui fut la sienne le laissait sans âme…

Le narrateur suivra des conseils locaux pour échapper à une hépatite rude, tout en maîtrisant d’abord ses douleurs par sa propre endurance, aura plaisir évident à saluer un de ses étudiants dont le prénom prend référence avec un producteur de cinéma, demeurera interdit quand une étudiante aux notes compliquées imaginera le séduire pour tenter une remontée de moyenne…

Il observera aussi, avec un refus total de compromission, des arrangements concernant l’organisation d’une copie juridique, marquant un décalage dans les principes d’équité ; il constatera, la tête haute, que les personnes qui les auront mises en œuvre n’aboutiront pas dans cette inconséquence.

Il fut un jour invité pour un anniversaire mais s’est senti sans repères et repaires au milieu d’une fête qui ne le concernait pas, ce qui a entraîné une volonté farouche de ne jamais apparaître comme le « bon blanc » de service, dont on peut se moquer, que l’on peut espérer comme appui ou mécène, ce qui renforce préjugés de castes et empêche des relations nouées positives et sereines.

Il a pu partager un bout de route avec un autostoppeur intéressant, mais un brin mythomane, qui lui aura au moins permis de rencontrer la femme d’un Ministre…

Le partage des pleurs d’un défunt ou la dîme obligée pour emporter des cailloux que d’aucuns récupéraient à satiété, en oubliant leurs références sacrées, qui n’étaient rappelées que pour des blancs de passage, rappellent la nécessité de lier des relations qui soient fiables et reconnaissantes, sans calcul, en s’ouvrant à la diversité des harmonies, mais en réfutant tout jugement de valeurs ou de perceptions post coloniales.

La nouvelle Faux Dormeur constitue un formidable enchantement avec poésie, onirisme, complexités, volontés de dépassement.

Les personnages s’entrecroisent sans vraiment s’apprécier ou se soucier les uns des autres.

L’on sent des jalousies intestines, des insuffisances, des faux-semblants, des moqueries sous-jacentes, des potentialités de vengeance.

L’on ne cerne pas en permanence ce qui peut ou va se passer, ce qui peut se produire en positivité ou en insécurité.

On ressort de la lecture de ce recueil avec l’affirmation que l’auteur :

  • Sait parler de ce qui fut et de ce qui est, à la manière d’un vrai conteur, sans pathos, mais aussi sans concession, pour que la relation à l’autre intègre de l’authentique et de l’honnête, réfute toute forme de mièvrerie et tout calcul.
  • Sait nous donner envie de nous promener, en brousse ou en urbanité, avec le sentiment de la découverte, de la volonté d’écouter, en espérant toujours être reçu en désintéressement, être intégré dans le partage des différences qui construisent.
  • Sait placer des moments d’émotion et de souvenirs, qui peuvent aussi s’allier parfois à une sorte de catharsis, car des douleurs ont été aussi partie prenante des rencontres, mais en dynamisant d’abord une capacité à aller de l’avant, à rebondir, à compter sur les vraies valeurs, celles de l’élégance, de la confiance méritée, de l’humanisme invétéré.

Un livre prenant, porteur, ouvert à l’autre, pour que vive le solidaire inspirant !

Éric

Blog Débredinages

Rêves noirs

Michel-Hubert Walch

Amazon éditions, en version brochée et sur liseuse Kindle

L’Autre Ville de Michal Ajvaz

Amie Lectrice et Ami Lecteur, la Ville de Prague a toujours été un lieu privilégié pour la création et elle le démontre encore, avec une forte modernité, ces derniers temps, aux détours de ces humbles chroniques, avec Timothée Demeillers dont j’ai salué les forces inspiratrices, et avec un auteur très référencé en République Tchèque que je vous invite instamment à découvrir : Michal Ajvaz.

Habituellement j’ai tendance à donner corps au livre lu, à vous en livrer la substance.

Je ne serais pas cohérent, ne rendrais pas grâce méritée à l’auteur si je me plaçais en cette analyse, car le livre se savoure à gorgées douces, comme une bière de printemps devant la cathédrale de Tyn.

Il pénètre nos pores avec le doux sentiment d’un privilège vécu, car le roman se place en différence majeure, tant dans sa conception narrative qu’en son écriture.

Imaginez que vous vous rendiez à Prague, que vous vous promeniez en une librairie, que vous découvriez, comme le héros du roman-récit, un livre écrit en un alphabet surprenant, apparemment indéchiffrable et inconnu.

Notre héros emporte le livre chez lui et – à la manière surréelle de Lewis Carroll – il se trouve transporté, par son contact, en un autre monde, une Autre Ville, à la fois fascinante, onirique mais aussi sans concession, livrée à toutes les tensions et menaces, dangereuse à chaque instant.

Je vous transmets, à petites touches pointillistes, quelques promenades, que votre lecture vous procurera, entre songe et rêve, entre imaginaire fantastique et décalage, entre magie et envoutement :

  • Vous suivrez l’homme récitant, narrateur et héros du livre, dans l’escalade de la tour de l’Horloge, au centre de ce que l’on appelle la Mala Strana à Prague, et vous assisterez à son combat avec un requin…
  • Vous repèrerez que prendre un verre en un bar peut vous faire rencontrer des tenanciers qui peuvent se transposer en une autre vie, vous serez intrigué par une porte de communication qui semble ne pas simplement vous emmener d’une pièce à une autre…
  • Vous serez transféré en une jungle luxuriante, en un jardin flamboyant, dont il est aussi difficile de s’échapper qu’une balade en labyrinthe, vous courrez sans répit en suivant les traces de notre héros qui peut courir pour construire son destin ou se rendre à sa perte…
  • Vous vous poserez de fortes questions, quand vous flânerez dans Prague, surtout en noctambule, quand vous croiserez un tramway vert, car il pourrait se refermer sur vous et vous ensorceler…
  • Vous n’imaginez pas trouver la mer ou l’immensité Océanique en Prague, or ce livre vous démontrera que les apparences ne s’auto-suffisent plus, qu’une sorte de « Vague » de Courbet peut concrétiser sa fougue picturale en se déversant sur la Ville du Baroque flamboyant…

Le livre se lit à plusieurs degrés, comme tout roman surréel, car il décrit des références imaginaires qui s’installent en notre réel avec ténacité, constance et trouble.

Ne nous plongeons-nous pas en un monde de concurrence effrénée, où les portes se referment souvent pour certains, qui ne s’ouvrent jamais pour d’autres, en un monde où la tension, la menace, la violence guident les appétits, où le faible ou le « non connaisseur » sera écarté sans pitié, en un monde où la lecture d’un livre renfermant des codes inconnus peut être à la fois source de découverte indépassable, comme pour la compréhension de la pierre de Rosette par Champollion, mais aussi de dangers renversants quand un petit nombre considère qu’il est le seul gardien de la seule lecture possible, avec son unique interprétation.

Ce livre nous invite à saluer les gardiens du temple quand ils ont pour objectifs de donner les clefs du partage comme l’ouverture culturelle mais à garder raison, surtout à nous inviter au doute, quand d’autres gardiens du temple excluent toute différence et toute contestation du dogme.

Voici un livre que j’offrirai en de nombreuses occasions, autour de moi, qu’il vous faut connaître, que vous apprécierez si vous avez à la fois conservé vos fonds d’enfance, votre force à rechercher l’imaginaire, votre passion des voyages comme des espaces à conquérir, que vous plaidez pour la compréhension du partage, que vous réfutez toute vérité absolue.

Un bel et bon livre, comme je les aime, inclassable, différent, porteur de sens.

Éric

Blog Débredinages

L’Autre Ville

Michal Ajvaz

Traduction du tchèque par Benoît Meunier, que je salue fortement car la qualité littéraire du livre s’affiche en majesté et elle lui est due pour beaucoup.

Mirobole Éditions

19€

Et en plus vous aurez droit à un fabuleux perroquet, en première de couverture, que je conserverai en mémoire, au même titre que celui de l’héroïne d’Une Histoire Simple, dans le recueil, « Trois Contes » de Flaubert, ce qui n’est pas rien !

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