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Biographie

Le Nouveau Monde (1504), les quatre voyages d’Amerigo Vespucci

Ce livre passionnant reprend les lettres relatives aux voyages de Vespucci, à ses découvertes, envoyées essentiellement de Séville où il résidait en sa qualité de responsable des affrêtements de bateaux pour le Nouveau Monde, en tant que spécialiste des cartographies, ou de Lisbonne où il répondait aux demandes des rois manuélins comme pilote de navire, à la famille Médicis, à Florence, d’où il était originaire.

Son livre appelé Le Nouveau Monde intègre aussi des lettres sur les îles nouvellement découvertes en ses quatre voyages.

Vespucci a vécu, à son corps défendant, des controverses qui l’ont opposé à Christophe Colomb alors qu’ils se respectaient, se considéraient même comme amis, ayant à peu près le même âge, né en 1451 sans certitude pour Colomb à Gênes, né en 1454 de manière certaine pour Vespucci à Florence, Ligure et Toscane se touchant.

Amerigo a connu dans sa jeunesse florentine le géographe Toscanelli dont la célèbre carte du monde fut la référence de Colomb avant son premier voyage.

Il fut aussi présent lors du retour à Barcelone de Colomb, de son premier voyage ; à partir de ce jour de liesse il a entretenu des rapports d’estime avec celui qui fut célébré comme Amiral de la mer Océane.

Amerigo fut contesté par les historiens de périodes ultérieures sur la réalité de ses quatre voyages, mais de nombreux spécialistes garantissent leur authenticité.

Vespucci ne peut en aucun cas se voir accusé de vanité pour avoir trafiqué certains de ses textes pour ravir à Colomb la gloire de la première découverte des terres du continent américain.

Aucune duplicité ne se repérait dans les relations entre les deux navigateurs, qui ne se sont nullement détériorées avec la publication par Vespucci du Nouveau Monde que Colomb ne pouvait pas ne pas avoir lu.

Colomb a même adressé une lettre à Diego, le fils de Vespucci, à la suite d’une visite qu’Amerigo lui avait rendue, montrant ainsi l’intensité et le respect de leurs échanges communs.

Mais Vespucci était au service de Ferdinand d’Aragon qui trouvait que Colomb se voyait bien trop exigeant, qui a fini par s’écarter de lui, lui préférant le plus révérencieux, modeste Vespucci, ce qui entraîna par la suite de nombreux commentaires souvent peu avisés…

Vespucci a intégré un premier voyage en 1497 du fait de ses qualités émérites d’astronome, de cosmographe puisque les bateaux se guidaient à cette époque par les astres, l’observation des étoiles.

Vespucci partit de Cadix puis se rendit aux Canaries avant d’arriver en terre ferme sur les côtes de l’actuel Honduras, qu’il pénétra, comme il se rendit ensuite au Venezuela actuel puisqu’il y décrit des maisons construites dans les arbres ou sur pilotis comme cela se déroulait à Maracaibo à pareille époque.

Le retour se déroula en longeant l’actuelle Virginie, puis reprenant le chemin d’Haïti et des Bermudes.

Vespucci montre une description très précise des iguanes rencontrées qu’il nomme dragons.

Ce premier voyage dura dix-sept mois.

Son second voyage se déroula de mai 1499 à septembre 1500, le navire à bord duquel Vespucci touche le Brésil remonte ses côtes pour atteindre l’embouchure de l’Amazone, puis met le cap à proximité de la Guyane et de l’île actuelle de Curaçao.

Pour le troisième voyage de mai 1501 à septembre 1502, le plus connu et le plus important, commanditée par Manuel Ier du Portugal, il séjourna au Brésil près d’un mois et prolongea sa route vers le sud, atteignant le 50ème degré sud, voguant sans cesse sans raconter de terre ferme jusqu’à Rio de La Plata, en actuel Uruguay, l’amenant à considérer avec justesse la constatation de terres nouvelles ignorées des anciens.

Cette nouvelle image géographique est esquissée, ébauchant la découverte d’un continent distinct qui sera reprise dans la nouvelle planche de l’atlas de Ptolémée, dans celles des prieurés vosgiens (gymnases) dits de Waldseemüller à Saint-Dié, qui pour la première fois, en 1507, mentionnent cette partie entre Brésil et Rio de la Plata, légitimement, terre d’Amerigo, terre d’Americ, première marque retenue de la mention Amérique.

Vespucci se voit obligé de rebrousser chemin en retournant au Portugal car les navires du chef d’expédition qui s’étaient séparés pour scruter de nombreuses terres n’ont pu se rassembler comme prévu.

Un dernier voyage moins renseigné s’est tenu entre juin 1505 et septembre 1506 en direction des Moluques.

Vespucci est nommé premier pilote (« piloto mayor ») chargé d’établir les cartes nautiques destinées aux futures expéditions du Nouveau Monde et il fut le premier à occuper ce poste prestigieux en devenant naturalisé espagnol sur Séville.

Il meurt en 1511, certainement touché par l’épidémie de peste qui s’étend en Espagne en cette même période.

Le « gymnase vosgien », qui a inscrit le nom d’Amerigo en hommage aux terres recensées, précise clairement qu’Amerigo constitue à la fois un découvreur et un homme remarquable, que son nom complète harmonieusement les noms existants des autres parties du monde connu, que ce sont surtout ses écrits qui ont fait le mieux connaître les terres nouvelles aux habitants.

Comme l’a écrit le grand écrivain autrichien Stefan Zweig « ce n’est pas par la volonté d’un être humain que ce nom très mortel a franchi le seuil de l’immortalité, le destin l’a voulu qui a toujours raison. ».

Vespucci souligne la beauté plastique des personnes qu’il rencontre, permettant de donner une image plus flatteuse des « sauvages » en comparaison avec celles transmises par les pères pèlerins qui accompagnaient Colomb.

Il est émerveillé par leurs aptitudes à la course, à la nage, il envie le fait qu’ils soient en permanence libres, agissant comme étant leurs propres maîtres.

Il est plus en retrait sur les mœurs sexuelles sans pudeur ou autocensure, ou sur le vécu permanent en nudité crue.

Il insiste cependant sur le fait que les femmes n’ont pas de seins pendants, y compris après de multiples grossesses.

Il remarque que les femmes sont infériorisées mais qu’elles savent utiliser des artifices pour conquérir les hommes qu’elles convoitent.

Il observe aussi qu’elles peuvent se servir d’arcs agrémentant le mythe des femmes guerrières.

Vespucci fait preuve d’une ouverture d’esprit remarquable, d’une compréhension des coutumes des autres proche des humanismes comme Montaigne.

Vespucci est aussi le premier européen à décrire et analyser l’anthropophagie des Indiens du Nouveau Monde, il reste interdit quand ces derniers s’étonnent que les navires venant d’ailleurs racontent qu’ils ne mangent pas leurs ennemis vaincus…

Vespucci s’intéressait pour ses commanditaires par les richesses et bénéfices des voyages auxquels il a contribué, mais la soif de l’or n’était en aucun cas pour lui une obsession.

Il vous faut lire ce témoignage vivant et documenté sur les côtes d’un continent qui porte son nom dont il a fermement pressenti l’existence, constituant ainsi un texte fondateur par ses précisions fortes naturalistes et cartographiées.

Éric

Blog Débredinages

Le Nouveau Monde (1504)

Les quatre voyages d’Amerigo Vespucci

Traduction (italien florentin), introduction et notes de Jean-Paul Duviols

Chandeigne Éditions

L’autre Rimbaud de David Le Bailly

Amie lectrice et ami lecteur, ce livre devient impératif, en connaissance, pour tous les Rimbaldiens, auxquels je m’honore modestement de faire partie.

Si je pense avoir quasiment tout lu ou presque sur « l’homme aux semelles de vent », me plongeant en permanence sur sa poésie sublimée, à nulle autre pareille, exercée sur une période très courte d’à peine trois à quatre années, rendant hommage à Jean-Jacques Lefrère, son érudit passionné ayant commis une somme indépassable au tout début des années 2000, j’avoue que je savais peu de choses sur le frère d’Arthur, Frédéric.

J’avais en tête qu’il avait été un grand-frère apprécié d’Arthur, que Frédéric considérait son petit-frère de génie obtenant toutes les meilleures notes au collège comme « quelqu’un d’épatant », qu’ils faisaient ensemble les quatre cents coups en bord de Meuse, en chipant les barques attenantes à la berge, en apostrophant les bourgeois des quartiers de la place du Duché de Charleville-Mézières, en mettant en colère leur « mother » en n’arrivant pas aux heures qu’elles avaient définies pour les devoirs du soir…

Je savais aussi qu’il s’était engagé comme militaire pour suivre les pas de son père, qui pourtant avait abandonné la famille sans vergogne, en défilant avec les armées de combat lors de la guerre de 1870, se faufilant avec les soldats, en partant aussi en expédition en Algérie colonisée, comme son paternel.

Je ne connaissais pas ce que fut sa vie, succession de méchancetés reçues, de retrait familial, de dénigrement systématisé des siens.

Vitalie Rimbaud, mère de Frédéric, Arthur, Isabelle et d’une autre Vitalie décédée jeune, considérait Frédéric comme un raté, un incompétent, ne se privait pas de lui déclamer et rappeler en récurrence ; son allure, son prénom lui ramenant le souvenir du mari qui l’avait abandonnée, ce qu’elle considérait comme un affront à elle, comme à Dieu.

Arthur était lui un génie, par sa vivacité d’esprit, par son sens des études, plus tard avec sa volonté même d’établir un comptoir de commerce pour s’enrichir.

Vitalie l’avait ramené plusieurs fois, selon elle, à la raison, notamment lors de ses « frasques » avec Verlaine, mais elle subodorait, même si elle n’avait jamais lu ses poèmes, qu’il renfermait une flamme pure, bercée par la volonté de réussir.

Frédéric lui était un vrai sot qui ne pensait qu’à rencontrer les gens du voisinage de la ferme de Roche, propriété de Vitalie, alors que les Rimbaud-Cuif ne devaient s’adresser qu’aux gens de bien et de rapport…

Frédéric, de retour de l’armée, voulut prendre en responsabilité l’exploitation de la ferme, mais il fut constamment critiqué, mis en cause, vivant sous l’emprise d’une mère rude, sans compromis, qui passait son temps à le mettre à l’épreuve, notamment pour l’achat de terres aux enchères que Frédéric obtenait toujours pour un prix supérieur à celui dicté par la mère.

Frédéric vivra des tensions cumulées :

  • Il voulait épouser Blanche, mais elle était fille de métayers, donc cela ne convenait pas à Vitalie Rimbaud qui s’opposait au mariage. La République naissait, le consentement des parents n’était plus nécessaire mais la coutume voulait qu’en cas d’opposition parentale à une union une démarche notariée s’opère. Pour Frédéric elle durera trois ans pendant laquelle il affrontera plusieurs procès, sa mère et sa sœur Isabelle se liguant contre lui pour utiliser tous les artifices juridiques pour empêcher le mariage.
  • Même Arthur, de la Corne de l’Afrique, prit la défense de la mère et d’Isabelle, ce que Frédéric considèrera comme une véritable trahison, qui le meurtrira à vie…
  • Il finit par épouser Blanche mais ne put plus voir les siens.
  • Il devint le conducteur de calèches chargé notamment des plis postaux dans les villages d’Ardenne ; quand il se rend à Roche, personne ne lui ouvre, car un Rimbaud ne peut accepter de devenir domestique ou employé, alors que Frédéric se voit très apprécié en ses missions, devenant même un édile municipal à Attigny, à deux pas de Roche.
  • Frédéric ne sera même pas informé de la mort d’Arthur, de sa mutilation à Marseille, il ne pourra pas participer aux obsèques de son frère.
  • Frédéric sera contacté par des journalistes pour évoquer la vie de son frère, son œuvre, que lui avait lue, mais Isabelle, puis plus tard son mari Paterne Berrichon, lui interdiront toute communication, ils organiseront la véritable spoliation des droits d’auteur de la poésie d’Arthur qui deviendra glorieuse post mortem, mais dont Frédéric et ses enfants ne recevront aucun retour scandaleusement.
  • On ne sait même pas exactement où est enterré Frédéric Rimbaud, comme s’il fallait qu’il disparût y compris post mortem définitivement, comme s’il fallait qu’il n’existât pas…
  • Frédéric saura cependant tenir tête à sa mère pour épouser la femme qu’il aimait, même si leur vie ne fut pas aisée ou simple, que Blanche mourut bien tôt, que Frédéric dut mettre ses enfants en pension sous la coupe de sa sœur Isabelle qui imaginait les prendre sous son aile comme une bienfaitrice religieuse, surtout il refusa que sa sépulture retrouve son frère, sa mère, car « la famille lui avait fait trop de mal en vie pour qu’il puisse la retrouver dans la mort ».

Un homme qui a toujours aimé son frère, qui a toujours compris ses élans, ses flamboiements, qui n’a pas compris pourquoi ce frère l’avait renié, qui a été dénigré par sa mère, sa sœur, parce que justement il voulait être libre, aimer qui il voulait, parcourir la nature avec sa calèche, réfutant les dogmes de la bourgeoisie propriétaire bigote Rimbaud-Cuif qui ne lui aura jamais pardonné sa différence.

Frédéric, grâce soit rendue à l’auteur, se voit, par ce livre, réhabilité, c’était ardemment nécessaire !

Éric

Blog Débredinages

L’autre Rimbaud

David Le Bailly

Éditions Points

Glozel et ma vie d’Émile Fradin

Amie Lectrice et Ami Lecteur, je vais vous conter une histoire fascinante, rude, injuste, passionnelle.

Elle s’inscrit dans la lecture du livre autobiographique d’Émile Fradin, que je viens de relire récemment.

Émile Fradin est un honnête homme.

Un jour de 1924, alors qu’il laboure un champ à l’aide d’une vache harnachée, avec son grand-père, la terre s’affaisse subitement, il faut aider le malheureux bovin pour qu’il puisse se sortir de son infortune.

Le trou découvert intègre des ossements, une tête de squelette, des fragments d’objets, notamment des urnes qu’Émile comme son grand-père cassent pour certaines, s’imaginant avoir découvert une sorte de petit trésor pouvant peut-être améliorer leur ordinaire de petits paysans…

Cette découverte, en le lieu-dit de Glozel, dans l’Allier, à deux pas de la commune de Ferrières sur Sichon, à quelques kilomètres de Vichy, va constituer une controverse inouïe qui se perpétue encore aujourd’hui. Je connais un peu le sujet car natif de Vichy, issu d’aïeux, tous de la Montagne Bourbonnaise.

En faisant des fouilles, Émile, son grand-père et les siens vont dénicher des ossements gravés avec bestiaires, des têtes sans bouches énigmatiques avec écritures inconnues, des tablettes d’argile.

Quand le docteur Morlet, passionné d’archéologie et de préhistoire, viendra sur les lieux, lui qui officie à Vichy, il fera appel à la communauté scientifique pour que Glozel soit fouillé méthodiquement, que l’on sache si le site découvert constitue une référence patrimoniale.

Des savants éminents comme Salomon Reinach, Alexis Carrel soutiennent Glozel, effectuent sur site, notamment dans le lieu baptisé Le Champ des morts, puisque l’on y retrouve des restes de squelettes fréquemment, des fouilles précises, découvrant des objets qu’ils identifient comme appartenant à une période lointaine, potentiellement préhistorique.

Mais d’autres personnes, en lien notamment avec le naissant site muséal de préhistoire des Eyzies en Dordogne, considèrent qu’Émile Fradin serait un faussaire, un tricheur, que tous les objets découverts n’auraient aucune cohérence scientifique, n’auraient jamais été réalisés en des temps immémoriaux.

La tension s’exacerbe quand des personnes portent plainte contre Émile Fradin, lorsque la famille décide de créer un petit lieu muséal, en sa demeure, pour exposer les objets découverts, les protéger, qu’elle réclame un modeste droit d’entrée.

On considère Émile comme une sorte de voleur, de personnalité qui se fait de la publicité, qui ne serait que mensonger.

Émile Fradin est blanchi fort heureusement de ses malveillances, reconnu dans sa droiture, dans sa rectitude.

Mais la controverse se poursuit cependant, elle entraîne un face à face incessant entre :

  • Les tenants des certitudes scientifiques qui, après avoir traité Émile Fradin de faussaire, considèrent les objets retrouvés sans intérêt historique, sans cependant le démontrer par une pertinence circonstanciée de raisonnement. Ces personnes craignent que Glozel soit référencé de manière supérieure au musée de Saint-Germain-en-Laye, seul lieu national d’archéologie repéré ou qu’il concurrence les lieux de préhistoire de Dordogne.
  • Les tenants de l’analyse précise des fouilles menées sur site, encadrées par un consortium de scientifiques émérites internationaux, qui certifient que les objets découverts et ramassés par eux-mêmes, comme par le docteur Morlet et la famille Fradin sont rigoureusement authentiques, nécessitent des analyses appuyées, notamment pour déchiffrer cette écriture énigmatique, inconnue, même si elle se rapprocherait, pour certains, de références phéniciennes.

Émile Fradin constate que les autorités reconnaissent sa bonne foi, il n’a jamais été faussaire ou mythomane, mais qu’elles ne veulent pas, du fait de cette controverse de contradiction trop flagrante, accorder au site un titre de protection des monuments historiques, l’autorisation de fouilles contrôlées à organiser, à déployer.

Le site restera donc sans nouvelle fouille pour une durée indéterminée.

Encore de nos jours, le site n’est plus fouillé scientifiquement, reste tel qu’il fut analysé, avec insuffisance dans les années trente, avec la méfiance jalouse pesante de certains, avec la volonté conquérante d’autres, bien peu écoutée.

Glozel ne sera pas aidé par des personnalités qui auraient pu ajouter, par volonté plus ou moins assumée, dans le site certains objets assez surprenants comme des os avec bestiaire aux allures assez contemporaines. Robert Liris, président, pendant une longue période, de l’association pour la sauvegarde de Glozel, parle intelligemment de « faux positif », belle déclamation et analyse où se juxtapose la volonté de créer du beau, de l’art, pour mettre en valeur des objets plus insignifiants au regard, permettant leur élévation reconnaissante avec la possible mise en détresse de toutes les collections qui deviennent ainsi suspectes…

Pourtant Glozel fera l’objet d’analyses de datation par la thermoluminescence, par le carbone 14 et les tablettes d’argile, urnes funéraires, ossements seront définis comme appartenant aux ères de – 2500 ans à – 5000 ans en moyenne. Les références scientifiques assurent l’ancienneté des objets et découvertes, même si elles ne se positionnent pas comme préhistoriques.

Mais pour Émile Fradin, il était démontré l’importance du site, sa nécessité de conservation, son caractère bien inclus dans le passé historique, même si Le Petit Robert continue à placer dans sa mention sur Glozel que les objets ont été reconnus inauthentiques, injuriant ainsi la mémoire de son inventeur.

Aujourd’hui on peut visiter Glozel, sur réservation, des bénévoles de l’association pour la sauvegarde et la protection des collections de Glozel assurent la présence nécessaire, laissent les visiteurs regarder et observer, attendent peut-être qu’un hypothétique jour permette de relancer les fouilles, de donner au site et aux objets les écrins qu’ils ont le devoir et le mérite de recevoir, en dignité.

Je me permettrai d’associer quelques éléments personnels en mémoire d’Émile Fradin.

Mon grand-père Laurent, de Laprugne, à une vingtaine de kilomètres de Glozel, fut l’ami d’Émile Fradin.

Mon vénéré grand-père, en stalag à Emden entre 1940 et 1945, a toujours été un homme précis, fiable, juste.

Il m’a assuré de la droiture d’Émile, de sa volonté de démontrer que les objets découverts méritaient un intérêt historique de conservation. Je me sens donc détenteur de cette transmission que je dois à mon Pépé, aussi à Émile.

Robert Liris, mon ancien professeur d’histoire-géographie, que je considère comme un des hommes les plus influents dans ma construction personnelle puisqu’il m’a ouvert des portes culturelles insoupçonnées, que j’ai plaisir infini à revoir par fréquences pour des conversations enivrantes, a été longtemps président de l’association de sauvegarde de Glozel.

Il s’est battu, a écrit avec intensité, force, pour que l’on puisse considérer Glozel avec cohérence, en analysant ses objets, en essayant de cerner les mystères insondables de cette écriture si énigmatique.

Je sais quelles furent ses hauteurs, mais aussi tensions pour amener la réflexion, suggérer des débats, tenter de faire accepter aux scientifiques installés d’accepter de mettre en retrait, un instant, leurs certitudes et pesanteurs. Je me sens aussi totalement détenteur de ses socles et compétences.

Je vous demande simplement, Amie Lectrice et Ami Lecteur, de vous rendre à Glozel, de découvrir les objets, de vous pénétrer des mystères du lieu, de saluer la mémoire d’Émile Fradin dont la vie fut parcourue d’injustices et méchancetés proférées en permanence, alors qu’il mérite le respect d’un inventeur digne, qui n’a jamais voulu vendre ses terres, ni mettre en retrait le site muséal, car il croyait en la capacité humaine à aller de l’avant, à progresser au moins en écoutes…

A suivre…

Éric

Blog Débredinages

Glozel et ma vie

Émile Fradin

Édition Archeologia

Livre personnel dédicacé par Émile Fradin, en 1997

Henri Béraud de Jean Butin

Est-ce possible de parler d’Henri Béraud, de manière dépassionnée, enfin !

D’Henri Béraud, on ne retient que son anglophobie récurrente, qui le fera passer pour un collaborateur patenté, alors qu’en tant que combattant émérite, courageux de la guerre de 1914, il arpentait, comme d’autres, le pacifisme manifeste, pour ne plus voir la mort en toute sa cruauté.

Comme Céline, comme Giono, reproduire la guerre était insoutenable, et tout fauteur de troubles ramenant à la lutte armée était considéré comme un belliqueux insupporté.

Comme la Grande-Bretagne laissait entendre qu’elle ne reculerait pas, qu’elle ne pactiserait pas, même après Chamberlain et Munich, l’anglophobie de Béraud devenait tenace, s’insufflait sans nuance.

Et l’on retient aussi de Béraud sa présence, en chef de file de plume, du grand journal populaire, Gringoire, absolument pas journal extrémiste au départ de sa création, comme on a tendance à le répéter aujourd’hui, avec le prisme et le voile de vouloir juger le passé par les ornières de nos actualités.

Il en était le rédacteur majeur, au moment de l’affaire Salengro.  Le journal s’est bien mal comporté à cette période, sans mesurer la portée de ses attaques, qui conduiront pourtant au drame du suicide du ministre de l’Intérieur du Front Populaire.

Il était aussi le rédacteur de Gringoire, qui veilla à ne jamais, personnellement, professer d’antisémitisme, à ne jamais utiliser la basse communication raciste, considérée comme une opinion libre dans les années trente, mais qui cependant déclara un jour en pensant à Léon Blum : « il n’est pas vraiment français, francophile, cela suffira… ». Car Béraud préférait toujours se livrer à un bon mot crû, pas forcément intelligent, susceptible d’être utilisé bien négativement, plutôt que de se taire ou de se mesurer…

Béraud fut d’abord un grand écrivain et un journaliste émérite et, en tant que Lyonnais, il mérite qu’on se souvienne de lui, qu’on lui rende les honneurs, ce que Jean Butin a su accomplir par cette biographie objectivée, affective et enlevée.

Béraud fut l’ami inconditionnel de Kessel, qui l’introduisit à Grégoire pour « fanfaronner », ce qu’il fit au sens étymologique italien du terme, avec force et témérité, sans éviter les excès.

Il est reconnu par le grand résistant, René Tavernier, comme un grand auteur, notamment pour son livre admirable, La Gerbe d’or, qui rend hommage aux petites gens et à son Papa, boulanger.

Henri Béraud est un enfant de Lyon, un gone de la Presqu’île, qui a toujours nourri une affection particulière pour le métier de son père, pour les odeurs culinaires. Ses parents voulaient qu’il soit brillant, qu’il fasse des études. Il en fera, mais il ne supportera pas le carcan des mandarins, qui n’aimaient pas ce fils d’artisan, qui n’avait pas assez de « classe », et il en conservera un sentiment anti-bourgeois, anticonformiste, en permanence.

Il devient vite ami des artistes, notamment des peintres et des poètes, il s’illustre par de premiers écrits, par la mise en œuvre d’un premier journal racontant les sorties suggérées culturelles sur Lyon. Il rencontre le grand journaliste, Albert Londres, avec lequel une amitié féconde l’unira.

Il est, comme d’autres, traumatisé par la guerre de 1914, par son vécu personnel, par son retour d’entre les morts, il ne supportera jamais les planqués, les gens de l’arrière, les militaristes, les donneurs de leçons, et il le criera fort, vertement, sans ambages.

Il monte à Paris, comme on dit, est accueilli par toutes les rédactions et sa plume vive, détonante, qui ne supporte pas les faux-semblants, est appréciée.

Il ne se donne pas en spectacle, mais il s’exprime, il vitupère en a assez de voir les personnalités rassies d’avant-guerre continuer à conserver le pouvoir, sans se remettre en cause, sans laisser de place à la jeunesse tellement sacrifiée.

Il soutient fermement la Révolution Irlandaise, comme Kessel avec lui, et son anglophobie prend racine avec son analyse de ses combats sauvages, où l’armée anglaise n’hésite pas à employer tous les moyens, même les plus ignominieux.

Il parcourt les capitales, devient l’interviewer préféré de Mussolini, sans que Béraud ne lui prête une attention autre que de restitution d’articles, et il assiste aux montées des périls, sans hésiter à les décrire et les raconter, mais sans se livrer à ce qu’il aurait considéré comme une outrance ou une trahison à ses frères tombés, à savoir une sollicitation de réarmement.

Il écrit de mieux en mieux, se lit avec un public de plus en plus important, il devient un homme reconnu et célébré, avec une fortune certaine.

Il achète une maison à l’île de Ré, qui deviendra son refuge, et une autre à Lyon, où il reçoit tous ses amis, avec des repas pantagruéliques, emplis de Lyonnaiseries et de cochonnailles, mêlées à des vins locaux avertis.

Le démon de la polémique l’a toujours hanté et ne le quittera pas, et ce choix personnel de privilégier cette posture, à celle d’écrivain, le place totalement dans le sillage de Céline, qui prendra les mêmes veines…

Après le 6 février 1934 et le défilé des ligues, puis l’affaire Stavisky, Béraud se considère comme le porte-parole du peuple qui demande que ses édiles lui rendent des comptes, sa plume le pousse à aller encore plus loin en indiquant les nécessités de bouleversements nécessaires attendus, même s’il reste profondément républicain, bercé par le radicalisme Lyonnais de son père.

Mais Gringoire prend une bien mauvaise tangente, en livrant en pâtures des individualités, sans vergogne, et sans respect de la contradiction, et court à devenir « la feuille infâme » de l’affaire Salengro. Même si Béraud, s’affrontant à Blum, en cette période, redira souvent « je me fais très bien à l’idée de mourir, pas à celle de tuer… ».

Henri Jeanson, qui fut son ami indéfectible, et qui n’est pas suspect d’être extrémiste de droite, lui dira qu’il a perdu de sa superbe, en perdant du poids, que la graisse Lyonnaise qu’il revêtait en faisait un bon gros, et qu’en l’ayant perdu il devenait méchant, sans conserver sa drôlerie.

Tout est dit, on ne retiendra que le polémiste et le bretteur, pas l’excessif en bouffe et l’homme de lettres qui hésite entre roman et pamphlet, mais conservera finalement ce dernier.

Il restera sur Paris pour écrire, sans devenir collaborateur, sans être laudateur de Vichy, encore moins de l’occupant, mais il ne prend pas de recul, ni ses marques, son anglophobie exacerbée et sa plume incisive rappelant en permanence à rendre des comptes, le conduiront à être inscrit en bonne place sur la liste noire des hommes de lettre à la Libération.

Il sera même condamné à mort, en un procès scandaleux et inique.

De Gaulle le graciera, comme il graciera tous ceux qui ne sont pas livrés à l’ennemi, n’ont pas livré la France à l’ennemi, et il notera que Béraud est resté patriote, sans compromission.

Mais Béraud fera six ans de prison qui l’anéantiront et le conduiront à l’abyme de la mort.

Il remerciera Mauriac, qu’il avait pourtant bien vilipendé, qui prendra sa défense, et Béraud lui rendra grâce avec émotion.

Il mourra sans lustre, sans appui, sans reconnaissance, fadement, à l’île de Ré.

Son œuvre étoffée romanesque, historique, populaire, mérite d’être de nouveau reconnue et relue, et sa réhabilitation ne doit pas être que Lyonnaise, elle doit être artistique et culturelle, nationalement.

Merci à Jean Butin pour son travail émérite et investi, en ce sens.

Éric

Blog Débredinages

Henri Béraud

Jean Butin

20€

Editions Lyonnaises d’art et d’histoire

A trouver chez les bouquinistes Lyonnais

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