J’ai lu avec fort intérêt ce livre très informé, passionnant.
Il raconte l’histoire d’Alexandre Villaplane, premier capitaine de l’équipe de France de football, pour la première coupe du monde, en 1930, en Uruguay.
Cet homme a atteint les sommets pour sombrer dans le pathétique.
Alexandre est né en Algérie, département français, en 1905.
Il n’est pas un élève brillant, mais il ne se repère pas non plus comme écolier contraint.
Mais il apprécie surtout le sport, par-dessus-tout le football.
Il anticipera, à quelques années de distance, la passion que vouera Albert Camus, pour ce même sport, lui qui deviendra un gardien de buts remarqué.
Il finit par imposer aux siens l’importance que revêt ce jeu pour lui, devenant un joueur talentueux, par sa fougue, son allant, sa maîtrise endurante.
Il deviendra vite un des piliers de club de quartier d’Alger puis de la ville de Cette, non encore devenue Sète, région natale de sa Maman.
Dès sa fin d’adolescence il est titularisé comme inter, ce qui à l’époque le place plutôt comme le « poumon » de l’équipe, comme un milieu défensif, il est salué comme prometteur.
Il deviendra vite une référence locale, sera sélectionné à 20 ans comme joueur de l’équipe de France, noté par les journalistes comme un bon technicien, un homme de volonté impliqué sur le terrain.
Très vite Alexandre devient la proie de ce que l’on appelle l’amateurisme marron, c’est-à-dire qu’il est embauché par des entreprises finançant le club de football local, sans y mettre les pieds, recevant des enveloppes liquides pour un emploi fictif lui permettant de se consacrer à sa passion de footballeur.
Ce professionnalisme déguisé, à la méthode financière bien discutable, offre des perspectives de train de vie appréciables, sans déclaration de quoi que ce soit.
Alexandre devient vite un émule de ce type d’organisation, qui le fait rencontrer rapidement des personnalités bien louches…
Il connaît le club de Vergèze, financé par les sources Perrier, se meut en pseudo commercial de la marque d’eau pétillante.
Puis il répond aux propositions du Racing club de Paris, puis plus tard d’Antibes, devenant tenancier de café, avide de paris sportifs turfistes, se positionnant assez rapidement dans des magouilles où l’on fait courir des tocards patentés qui se révèlent des chevaux de course émérites, empochant la mise de sommes inédites pour un gain magnifié.
Il est arrêté souvent, condamné rarement, surveillé sans cesse, suspecté fréquemment.
Délaissant ses enfants, changeant de femme souvent, dénichant des combines pour obtenir de l’argent rapidement, oubliant des missions fiables et des métiers de référence, il aime la fête et le milieu, restant cependant une star du football.
Lors du voyage en cabine et en bateau pour traverser l’Atlantique et participer à la première coupe du monde, il rivalise d’entregents.
Les résultats de l’équipe de France apparaissent convenables au vu de la comparaison avec celles d’Amérique du Sud, auxquelles elle se mesure, qui sur le papier semblaient beaucoup plus redoutables qu’elle.
Villaplane est adulé, félicité, reconnu.
Mais sa passion dévorante pour l’argent facile et les combines le perdra.
S’il participe à la drôle de guerre en 1939, tout en s’évadant rapidement des zones de combat, il devient, comme d’autres, démobilisé.
Il se fond facilement dans le nouvel ordre d’occupation, vivant de ses rapines habituelles.
Mais quand il rencontre Henri Lafont, organisateur d’un immeuble rue Lauriston, pratiquant la torture et la chasse aux résistants, devenant le supplétif clair de la Gestapo, il n’hésite pas à franchir le pas des inconséquences, de la vilenie.
Il récupère l’or des résistants et des juifs que les Nazis pointent pour des arrestations, empochant une partie des spoliations pour lui, transformant en argent liquide les sommes indues prélevées, avec la bienveillance de l’occupant, appréciant que des Français se livrent aisément au sale boulot…
Il devient riche, achète des choses de luxe, entretient son aimée avec des bijoux, vit sans contrainte, trouve aisément tous les produits pour bien profiter de la vie, en une période où les privations s’amoncellent.
Il possède un bel appartement, se vêt avec constance, continue ses trafics répugnants.
Quand Lafont met en place une armée de Nord-Africains, antisémites, en collusion avec les Nazis, il demande à Villaplane de devenir le chef de la zone de Dordogne.
Villaplane porte l’uniforme Nazi, prend la nationalité Allemande, pourchasse impitoyablement les résistants.
Quand il sent qu’il aura à rendre des comptes, il fait en sorte de protéger des responsables locaux Gaullistes, il sait que son engagement lui coûtera cher, mais c’est bien trop tard et assez lâche.
Responsable, avec d’autres, de l’arrestation, de la déportation de Geneviève de Gaulle, il sera reconnu par elle à son procès et finira fusillé, piteusement, avec Lafont…
Le premier capitaine de l’équipe de France de football en la première coupe du monde mourra à 39 ans comme agent de l’ennemi.
Gloire et déchéance d’une personnalité avide d’argent, plus voyou que talentueux, plus minable en combines que volontaire pour donner le meilleur de lui-même…
Et pourtant il portait beau sur les terrains avant de tacler sa réputation puis de finir dans l’ignominie.
Un livre important.
Éric
Blog Débredinages
Le brassard
Luc Briand
Éditions Plein Jour