2014 fut l’année consacrée au Brésil, la terre du football, de la mi-juin à la mi-juillet, pour sa coupe du monde.
L’on sait que la construction des stades et le développement des infrastructures attenantes ont été conformes au cahier des charges FIFA, malgré les difficultés et les retards vécus, mais le pays n’a pu malheureusement en tirer les bénéfices ou retours économiques attendus pour sa population autochtone, son commerce de proximité…
Il est important de lire des auteurs Brésiliens, de connaître leurs messages, ce blog vivant notamment des témoignages et inspirations des passeurs de mots, des « élévateurs des champs de connaissance » selon la belle expression de Malraux…
On ressort de la lecture de Belém sonné, matraqué, bouleversé, knock-outé et mobilisé !
Ce livre se lit comme un roman noir, une romance urbaine, aussi comme un signal d’alerte et d’alarme ou de combat !
L’action démarre par la mort à son domicile d’un coiffeur, Johnny Lee, ou en tous cas dénommé comme tel, connu pour son salon recevant la jet-set, pour son accoutumance à se rendre régulièrement dans les bars branchés et lieux dits « people ».
Gilberto Castro appelé Gil, inspecteur endurant, est décidé à mener une enquête investie et approfondie, par-delà son accoutumance invétérée à la boisson qui lui a fait perdre pied plusieurs fois, qui l’a amené à s’éloigner d’Amélia, son amour repéré cependant indéfectible.
Il commence à solliciter Lola, la dame de maison que Johnny a recueillie alors qu’elle était jeune Maman abandonnée et à interroger les « amies et amis » des virées nocturnes de Johnny : Rai, Selma ou Selminha, Bob, Carlos…
Très vite Gil se rend compte que Johnny s’adonnait à des vices pervers avec de jeunes enfants et notamment avec la fille de Rai, sa filleule, Barbara, que des cassettes visionnées n’offraient aucune ambiguïté…
La découverte d’héroïne dans le sang de Johnny, alors qu’il était cocaïnomane occasionnel mais pas adepte récurrent de drogues dures, l’absence d’une cassette dans le magnétoscope resté allumé et la mort violente de Lola en conduite de son véhicule transforment l’enquête en multiples tiroirs et rebondissements : Rai a-t-elle voulu se venger en apprenant la prédation de Johnny, la disparition précipitée de Leonel, l’ancien amant de Johnny, dont on ne sait ce qu’il est devenu, a-t-elle un lien avec l’affaire criminelle analysée ?
Gil rencontre Selma en son enquête, ne peut résister à son charme flamboyant alors que cette dernière semble s’installer avec Marina après avoir vogué sentimentalement d’une histoire à une autre, entre passions avec garçons et filles…
Rapidement Gil et Selma se retrouvent régulièrement pour des moments partagés fougueux et Gil devient accroc évident à ce charme envoûtant…
Il reste que la mort de Babalu, jeune fille à la beauté étincelante, qui rêvait de devenir une reine de beauté et de concours, ancienne relation de Gil, s’immisce dans l’enquête sur le décès de Johnny et remonte les filets vénéneux d’une organisation économico-criminelle mêlant trafic de drogue, police fédérale corrompue, mafia organisée où la violence caractérisée n’hésite pas à prendre les formes de tortures les plus terrifiantes.
Le collègue de Gil, Bode, ami et conseil de travail et d’enquête, partenaire des matchs de foot pour acclamer les « Lions » et d’une petite bière ou deux à l’occasion, appuie Gil dans sa volonté de recherche de vérité, de démantèlement d’un réseau infiltré responsable à la fois de la mort de Babalu et de ramifications coupables dans l’économie malsaine de Belém.
Bode disparaît et l’enquête devient de plus en plus périlleuse entre les ivresses tapageuses de Gil qui deviennent médiatisées, que sa hiérarchie a de plus en plus de mal à relativiser, entre ses tendresses avec Selma que l’on n’imagine pas uniquement teintées de suavité, entre les soutiens nécessaires d’Amélia qui désire le reconquérir, entre les cris lancinants entredéchirés par des aboiements que l’on entend du bord de mer et de brise, dont un dénommé Mauro semble se délecter…
Ici le livre passe du roman noir âpre et rude au roman urbain témoin direct d’une violence crue, directe, sans concession, qui n’hésite pas à se placer comme une loi intégrée avec la complicité mafieuse d’un cordon corrompu associant représentants des autorités, personnalités installées de la pègre et de la richesse locale, qui souvent s’unissent, se formatent ou se collisionnent.
Les scènes décrites par l’auteur dans l’enfermement d’un entrepôt où toute forme d’humanité a disparu, où la violence incarnée devient jouissive pour le bourreau constituent à la fois une nécessaire réflexion en profondeur sur les racines de la société Brésilienne qui associe musique, enlacements torrides, frénésie sur le sport, mais aussi affrontements sociétaux récurrents et violence magnifiée comme une révérence à l’écriture sublimée, car Edyr Augusto sait parler de l’indicible pour réveiller les consciences, réfuter en combat une réalité urbaine insupportable qui ravage les jeunesses et beautés, qu’elles se placent en Lola, Babalu ou Selma…
Un livre captivant dont on ne ressort pas vraiment indemne mais fondamental pour mieux comprendre les ressorts de la société Brésilienne et de ses démons encore enfouis…
Éric
Blog Débredinages
Belém
Edyr Augusto
Traduit du Portugais (Brésil) avec force et talent par Diniz Galhos
21€
Asphalte Éditions